8

 

 

À son retour, Ayla trouva Loup qui l’attendait à la lisière du camp central comme s’il savait qu’elle venait.

— Où est Jonayla ? lui dit-elle. Cherche-la pour moi.

L’animal bondit en avant, se retourna pour s’assurer qu’elle le suivait. Il la conduisit directement à Proleva, qui donnait le sein à Jonayla au camp de la Troisième Caverne.

— Te voilà ! s’exclama la compagne de Joharran. Si j’avais su que tu arrivais, je n’aurais pas nourri ta fille. Elle est rassasiée, maintenant, j’en ai peur.

Ayla prit son bébé et lui tendit le mamelon mais l’enfant n’avait plus faim.

— Sethona aussi a tété ? demanda-t-elle. J’ai les seins tellement gonflés qu’ils sont douloureux.

— Stelona m’a proposé de lui donner à manger pendant que je discutais des Matrimoniales avec Zelandoni. Comme je savais que je devrais allaiter Jonayla après, cela me convenait parfaitement. J’ignorais quand tu rentrerais.

— Moi aussi, répondit Ayla. Je vais voir si je trouve quelqu’un d’autre qui a besoin de lait. En tout cas, merci d’avoir gardé Jonayla.

En se dirigeant vers la hutte de la Zelandonia, Ayla vit Lanoga qui portait Lorala sur la hanche. Son frère Ganamar, trois ans, s’accrochait d’une main à sa tunique, le pouce de l’autre main dans la bouche. Au grand soulagement d’Ayla, Lanoga cherchait justement quelqu’un pour allaiter sa petite sœur.

Elles s’assirent sur l’un des troncs d’arbres abattus et recouverts de coussins qu’on avait disposés autour d’un cercle noirci par le feu devant la grande hutte et Ayla échangea Lorala contre sa fille. Loup s’assit près de Jonayla et Ganamar se laissa tomber à côté de lui. Tous les enfants du foyer de Laramar se sentaient à l’aise avec l’animal, même si Laramar ne l’était pas. Il se raidissait et reculait lorsque l’énorme bête s’approchait de lui.

Avant de donner la tétée, Ayla dut essuyer son sein sali par la boue. Alors qu’elle allaitait, Jondalar revint d’une séance d’entraînement au lance-sagaie. Lanidar, le jeune garçon qui l’accompagnait, adressa à Ayla un sourire timide et salua Lanoga avec plus d’aisance. Il avait douze ans maintenant, bientôt treize, et il avait beaucoup grandi depuis la Réunion d’Été précédente. Ayla remarqua qu’il semblait plus sûr de lui. Il portait à son bras droit difforme un harnais spécial auquel était accroché un propulseur. Son carquois contenait plusieurs lances, plus courtes et plus légères que celles qu’on lançait à la main et qui ressemblaient plutôt à de longues flèches munies d’une pointe de silex. Son bras gauche, bien développé, était presque aussi musclé que celui d’un adulte et Ayla devina qu’il devait s’entraîner beaucoup.

Lanidar portait aussi une ceinture de puberté à franges rouges, étroite bande faite de matériaux divers aux couleurs variées : lin ivoire, aconit beige, ortie taupe. Il y avait aussi des poils de fourrure d’hiver d’animaux tels que le mouflon blanc, l’ibex gris, le mammouth roux, et des crins noirs de queue de cheval. Certains avaient gardé leur couleur naturelle, d’autres avaient été teints. Non seulement cette ceinture signifiait qu’il avait atteint la puberté et qu’il était prêt pour une femme-donii, mais ses motifs indiquaient aussi ses liens. Ayla reconnut le symbole qui proclamait son appartenance à la Dix-Neuvième Caverne des Zelandonii, mais elle n’était pas encore capable d’identifier ses noms et liens par leurs motifs respectifs.

La première fois qu’elle avait vu une ceinture de puberté, elle l’avait trouvée belle. Elle ignorait totalement ce qu’elle signifiait lorsque Marona, la jeune femme qui avait espéré s’unir à Jondalar, avait cherché à la ridiculiser en l’incitant à la porter avec des sous-vêtements de jeune garçon. Ayla trouvait encore ces ceintures très jolies même si elles lui rappelaient cet incident déplaisant. Elle avait gardé le vêtement en peau de daim dont Marona lui avait fait « cadeau » car elle n’était pas née zelandonii et n’avait pas, enraciné en elle, le sentiment qu’il n’était pas approprié. Il était souple et doux et il avait suffi de retoucher les jambières et la tunique pour les adapter à ses formes féminines.

Les Zelandonii de la Neuvième Caverne l’avaient regardée avec perplexité la première fois qu’elle avait porté ces sous-vêtements pour aller chasser, puis ils s’étaient habitués. Au bout de quelque temps, plusieurs autres jeunes femmes l’avaient imitée et Marona avait été furieuse que la farce n’ait pas été appréciée comme telle par les membres de la Caverne. Ils avaient pensé au contraire qu’elle leur avait fait honte en traitant aussi méchamment l’étrangère appelée à devenir l’une d’entre eux. Exaspérer Marona n’avait pas été l’intention d’Ayla lorsqu’elle avait porté pour la première fois les sous-vêtements mais elle n’avait pas manqué de remarquer la réaction de la jeune femme.

Au moment où Ayla et Lanoga échangeaient de nouveau les bébés, plusieurs jeunes garçons approchèrent en riant. La plupart portaient des ceintures de puberté et certains d’entre eux des lance-sagaies. Jondalar attirait les gens partout où il allait, mais les jeunes en particulier avaient du respect pour lui et aimaient le suivre. Elle remarqua avec plaisir qu’ils saluèrent Lanidar de manière amicale. Depuis qu’il se montrait habile avec la nouvelle arme, son bras difforme n’incitait plus les autres jeunes garçons à l’éviter. Elle remarqua aussi que Bologan se trouvait parmi eux, même s’il n’avait pas de ceinture de puberté ni de lance-sagaie à lui. Elle savait que Jondalar en avait fabriqué plusieurs pour permettre aux Zelandonii de s’entraîner.

Les femmes comme les hommes participaient aux séances d’entraînement que Jondalar avait commencé à tenir et si les uns avaient vivement conscience de la présence des autres, les jeunes hommes fréquentaient de préférence des camarades de leur âge qui avaient hâte de passer les mêmes rites d’initiation, et les jeunes femmes préféraient éviter les « garçons à ceinture ». La plupart des jeunes hommes jetèrent un coup d’œil à Lanoga mais feignirent de ne pas la voir, exception faite de Bologan. Le frère et la sœur se regardèrent et s’ils ne se sourirent pas et n’échangèrent pas de signe de tête, c’était quand même une façon de se saluer.

Les garçons sourirent tous à Ayla, la plupart timidement, mais deux ou trois se montrèrent plus hardis dans leur façon d’apprécier la superbe femme adulte que Jondalar avait ramenée et prise pour compagne. Les femmes-donii étaient toujours plus âgées et savaient comment traiter de jeunes fanfarons essayant d’être des hommes, comment les contenir sans trop les décourager. Le sourire impudent de ceux qui ne la connaissaient pas encore fit place à une expression fugace de crainte quand Loup se leva sur un signe d’Ayla.

— As-tu discuté avec Proleva des plans pour ce soir ? lui demanda Jondalar.

Il sourit au bébé, le chatouilla et obtint en retour un gloussement ravi.

— Pas encore. Je viens de rentrer de la nouvelle grotte sacrée que la Première voulait me montrer. Je lui en parlerai après m’être changée.

Plusieurs jeunes gens, en particulier ceux que Loup rendait nerveux, furent surpris en entendant parler Ayla. Son accent proclamait ses origines lointaines.

— Je t’accompagne, décida Jondalar en prenant Jonayla dans ses bras.

 

 

Lorsque Ayla rejoignit Proleva, elle apprit que la Neuvième et la Troisième Caverne organisaient au camp de cette dernière une rencontre avec les chefs et conseillers des autres Cavernes présents à cette Réunion d’Été. Les familles les rejoindraient ensuite pour le repas du soir. Proleva s’était chargée de la préparation, qui incluait de trouver des gens pour garder les enfants afin que les mères puissent participer.

Ayla fit signe à Loup de l’accompagner. Elle remarqua qu’une ou deux femmes regardaient le carnivore avec appréhension mais constata avec plaisir que plusieurs autres l’accueillaient favorablement, sachant qu’il pouvait les aider à garder les petits. Lanoga resta pour s’occuper des enfants, Ayla repartit pour voir quelle tâche Proleva souhaitait lui confier.

Au cours de la soirée, elle s’interrompit afin de donner le sein à Jonayla mais il y avait tant à faire pour préparer le festin qu’elle ne put la garder un moment dans ses bras qu’après que tout le monde eut mangé et on la réclama alors à la hutte de la Zelandonia. Elle prit le bébé avec elle et fit signe à Loup de la suivre.

Il faisait nuit lorsqu’elle se rendit à la grande hutte par un sentier qu’on avait pavé de pierres plates. Bien que la lumière de plusieurs feux éclairât assez bien le chemin, Ayla avait emporté une torche, qu’elle laissa à l’entrée, contre une pile de pierres construite à cet effet. À l’intérieur, un petit feu brûlait au bord d’un grand cercle noirci et quelques lampes tremblotantes disposées çà et là projetaient une lumière chiche. On ne voyait pas grand-chose au-delà des flammes brillant dans le cercle. Ayla crut entendre quelqu’un ronfler doucement de l’autre côté de l’abri mais ne distingua que Jonokol et la Première. Assis dans le cercle de lumière, ils buvaient à petites gorgées une infusion fumante.

Sans interrompre sa conversation, la doniate fit signe à Ayla de les rejoindre. Heureuse d’avoir enfin l’occasion de se détendre dans un lieu calme et confortable, elle s’installa sur l’un des coussins rembourrés placés autour du feu et commença à donner le sein à son enfant. Loup s’allongea près d’elles. Il était la plupart du temps le bienvenu dans la hutte de la Zelandonia.

— Quelle impression la grotte t’a faite ? demanda la femme obèse au jeune homme.

— Elle est étroite, à peine assez large par endroits pour qu’on puisse passer, mais elle est longue. Elle est intéressante.

— Tu crois qu’elle est sacrée ?

— J’en suis convaincu.

La Première eut un hochement de tête satisfait. Elle n’avait pas douté des assertions du Zelandoni de la Vingt-Sixième Caverne mais elle appréciait d’en avoir confirmation.

— Et Ayla a trouvé sa Voix, ajouta Jonokol en souriant à la jeune femme qui les écoutait et se balançait inconsciemment pour bercer son bébé.

— Vraiment ? fit la doniate.

Il lui résuma ce qui s’était passé dans la grotte.

— Et toi, Ayla, qu’en penses-tu ? demanda la Première.

Elle avait rempli un bol d’infusion et le tendit à Jonokol pour qu’il le passe à Ayla. Le bébé avait cessé de téter et s’était endormi dans les bras de sa mère, un filet de lait coulant du coin de sa bouche.

— Elle est difficile d’accès, et longue, c’est vrai, mais pas très compliquée. Si les passages étroits peuvent être effrayants, on ne risque pas de s’y perdre.

— D’après la description que vous en faites, elle me paraît idéale pour de jeunes acolytes qui veulent éprouver leurs capacités et savoir si la vie de Zelandoni est vraiment faite pour eux. S’ils ont peur d’un lieu sombre sans danger, je doute qu’ils puissent affronter certaines des autres épreuves qui peuvent être réellement périlleuses.

Ayla se demanda de nouveau quelles pouvaient être ces épreuves. Elle avait déjà bravé tant de dangers dans sa vie qu’elle n’était pas pressée d’en connaître d’autres, mais il valait peut-être mieux attendre sans rien dire.

 

 

Le soleil n’était pas encore levé mais une bande écarlate dont les bords s’estompaient en violet annonçait l’aube. Une lueur rose faisait ressortir le banc de nuages qui surplombait l’horizon à l’ouest et reflétait le lever du jour rougeoyant. Bien qu’il fût très tôt, presque tout le monde se trouvait déjà au camp principal. Il avait plu par intermittence pendant quelques jours mais cette journée semblait prometteuse. Camper sous la pluie était supportable, jamais agréable.

— Dès que les cérémonies des Premiers Rites et des Matrimoniales auront pris fin, Zelandoni veut voyager un peu, dit Ayla en levant les yeux vers Jondalar. Elle souhaite que je commence mon Périple de Doniate par quelques-uns des sites sacrés les plus proches. Nous devons lui fabriquer ce siège pour les perches.

Ils étaient passés voir les chevaux en se dirigeant vers le lieu de rassemblement du camp pour le repas du matin. Loup les avait accompagnés mais quelque chose avait attiré son attention et il avait filé dans les broussailles.

— Ce voyage pourrait être intéressant, dit Jondalar, le front plissé, mais on parle d’organiser une grande chasse après les cérémonies. Peut-être un troupeau d’été, ce qui nous permettrait de commencer à sécher de la viande pour l’hiver. Joharran a fait observer que les chevaux seraient utiles pour encercler les proies et je pense qu’il compte sur notre aide. Comment choisir ?

— Si la Première ne veut pas aller très loin, nous pourrions faire les deux, répondit Ayla.

Elle tenait à visiter les lieux sacrés avec la doniate mais elle aimait aussi chasser.

— Peut-être. Nous devrions en parler à Joharran et à Zelandoni et les laisser décider, suggéra Jondalar. En tout cas, nous pouvons commencer à fabriquer le siège. Quand nous avons construit l’abri d’été pour Bologan, Lanoga et le reste de la famille, j’ai remarqué des arbres qui conviendraient.

— Nous pourrions faire ça quand ?

— Cette après-midi, peut-être. Je vais voir si je peux trouver quelques personnes pour nous aider.

— Salutations, Ayla et Jondalar ! lança une jeune voix familière.

C’était celle de Trelara, la sœur cadette de Lanoga.

Ils se retournèrent et découvrirent les six enfants sortant de la hutte. Bologan ferma le rabat de l’entrée puis les rejoignit. Ni Tremeda ni Laramar n’étaient avec eux. Ayla savait qu’ils dormaient parfois dans cet abri mais soit ils étaient déjà partis, soit, plus probablement, ils n’étaient pas rentrés la veille. Les enfants se rendaient sans doute au camp principal dans l’espoir de trouver quelque chose à manger. Il y avait toujours quelqu’un disposé à leur proposer des restes. On ne leur donnait pas les meilleurs morceaux mais ils repartaient rarement en ayant faim.

— Salutations, les enfants, répondit Ayla.

Tous lui sourirent sauf Bologan, qui s’efforçait d’être plus sérieux. Lorsqu’elle avait fait la connaissance de la famille, Bologan, l’aîné, passait le moins de temps possible dans son foyer et préférait la fréquentation de garçons de son âge, en particulier les plus bagarreurs. Mais Ayla avait l’impression que ces derniers temps il se montrait plus responsable envers ses frères et sœurs plus jeunes, notamment Lavogan, âgé de sept ans. Elle l’avait vu aussi plusieurs fois en compagnie de Lanidar, ce qui était bon signe. Bologan se dirigea vers Jondalar d’un pas mal assuré.

— Salutations, dit-il, les yeux baissés.

— Salutations, répondit Jondalar, qui se demandait ce que le garçon lui voulait.

— Je peux te demander quelque chose ?

— Bien sûr.

Bologan tira d’une poche de sa tunique une ceinture de puberté multicolore.

— Zelandoni me l’a donnée hier, mais je n’arrive pas à bien l’attacher.

Eh oui, il a treize ans maintenant, pensa Ayla en retenant un sourire. Normalement, c’était l’homme du foyer d’un garçon qui donnait la ceinture, généralement fabriquée par la mère. Bologan demandait en fait à Jondalar de remplacer l’homme qui aurait dû être là pour l’aider.

Le compagnon d’Ayla lui montra comment attacher la ceinture puis Bologan appela son frère et prit le chemin du camp principal, les autres suivant plus lentement. Ayla les regarda s’éloigner : Bologan, treize ans, accompagné par Lavogan, sept ans, Lanoga, onze ans, portant Lorala, un an et demi, sur sa hanche, et Trelara, neuf ans, tenant la main de Ganamar, trois ans. Elle se rappela qu’on lui avait raconté qu’un autre enfant, qui aurait maintenant cinq ans, était mort en bas âge. Ayla et Jondalar les aidaient, ainsi que d’autres familles de la Neuvième Caverne, mais pour l’essentiel ces enfants s’élevaient tout seuls. Ni leur mère ni l’homme de leur foyer ne s’occupaient vraiment d’eux. C’était Lanoga qui les maintenait ensemble, avec l’aide de Trelara et aussi maintenant de Bologan, comme Ayla le constata avec satisfaction.

Elle sentit Jonayla remuer dans la couverture à porter, qu’elle fit passer devant elle. Elle en tira le bébé, qui était nu, sans une couche de matière absorbante, et le tint en l’air pendant qu’il mouillait le sol. Jondalar sourit. Aucune autre femme de la Caverne ne faisait ça et quand il avait interrogé Ayla elle avait répondu que c’était la façon dont les mères du Clan réglaient souvent le problème. Elles ne le faisaient pas tout le temps mais cela leur épargnait d’avoir à nettoyer des vêtements ou à trouver des matières absorbantes. Et Jonayla s’y était tellement habituée qu’elle avait tendance à attendre qu’on la sorte de la couverture pour se soulager.

— Tu crois que Lanidar s’intéresse encore à Lanoga ? demanda Jondalar.

— Il lui a adressé un chaleureux sourire quand il l’a vue pour la première fois, cette année. Comment se débrouille-t-il avec le lance-sagaie ?

— Il est bon ! C’est étonnant de le voir. Il se sert un peu de son bras droit qu’il utilise pour placer la sagaie dans la rainure et il rabat le lanceur du bras gauche avec puissance et précision. Il est devenu bon chasseur, il a gagné le respect de sa Caverne et accédé à un statut supérieur. Même l’homme de son foyer, qui a quitté sa mère après sa naissance, montre maintenant de l’intérêt pour lui. Et sa mère et sa grand-mère n’insistent plus pour qu’il aille faire la cueillette avec elles, comme elles le faisaient lorsqu’elles avaient peur qu’il ne soit pas capable de subsister par un autre moyen. Elles lui ont fabriqué le harnais qu’il porte mais c’est lui qui leur a expliqué ce qu’il voulait. Elles te sont reconnaissantes de lui avoir appris à manier un lance-sagaie.

— Tu l’as aidé aussi, fit observer Ayla.

Au bout d’un moment, elle ajouta :

— Il est peut-être devenu bon chasseur mais je doute que la plupart des mères veuillent de lui pour leurs filles. Elles redouteraient que l’esprit mauvais qui a déformé son bras ne rôde encore autour de lui et n’inflige aux enfants de leurs filles le même sort. Quand il a déclaré, l’année dernière, qu’il voulait s’unir à Lanoga quand ils seraient grands et qu’il l’aiderait à élever ses frères et sœurs, Proleva a trouvé que ce serait une solution parfaite. Puisque Laramar et Tremeda occupent le rang le plus bas, aucune mère ne voudra que son fils s’unisse à Lanoga, mais je crois que personne ne verra d’objection à ce que ce soit Lanidar.

— Sûrement. Je crains cependant que Tremeda et Laramar ne trouvent un moyen de profiter de lui, dit Jondalar. J’ai remarqué que Lanoga n’est pas prête pour les Premiers Rites.

— Elle le sera bientôt, elle commence à montrer les signes. Peut-être avant la fin de l’été et les dernières cérémonies de la saison.

Ayla marqua une pause puis demanda, d’un ton détaché :

— On t’a sollicité pour les Premiers Rites, cette année ?

— Oui mais j’ai répondu que je n’étais pas prêt à prendre cette responsabilité pour le moment, répondit-il en lui adressant un grand sourire. Pourquoi ? Tu crois que je devrais ?

Ayla se tourna vers Jonayla pour que Jondalar ne puisse pas voir son visage.

— Uniquement si tu en as envie. Plusieurs jeunes femmes en seraient très heureuses. Peut-être même Lanoga.

— Pas Lanoga ! Ce serait comme partager les Premiers Rites avec l’enfant de mon foyer.

Elle se tourna de nouveau vers lui.

— Il est vrai que tu es probablement plus proche de ce foyer que Laramar. Tu as fait plus que lui pour cette famille.

Ils approchaient du camp principal et on commençait à les saluer.

— Tu crois qu’il faudra longtemps pour fabriquer ces perches avec un siège ? demanda Ayla.

— Si je trouve de l’aide et si nous commençons tôt dans la matinée, nous pourrions avoir fini dans l’après-midi. Pourquoi ?

— Alors, je peux demander à Zelandoni si elle aura le temps de l’essayer aujourd’hui ? Souviens-toi, elle veut le faire avant de s’en servir devant tout le monde.

— D’accord, pose-lui la question. Je demanderai à Joharran et à quelques autres de m’aider, nous aurons terminé. Ce sera intéressant de voir comment les autres réagiront en voyant les chevaux la tirer.

 

 

Jondalar était en train de couper un jeune arbre droit plus robuste que ceux qu’il choisissait d’ordinaire pour un travois. La pierre de sa hache avait été taillée pour que la partie épaisse se termine par une pointe et que la partie effilée ait un bord tranchant. Le manche en bois avait été percé pour recevoir la pointe de la pierre de manière qu’à chaque coup porté la pierre soit plus solidement fichée dans le bois. Puis les deux éléments avaient été liés ensemble avec une lanière de cuir brut mouillé qui avait rétréci en séchant.

On ne pouvait pas couper un arbre avec une hache de pierre en frappant droit. Le silex se serait brisé. Pour abattre un arbre avec un tel outil, il fallait faire des entailles en biais jusqu’à ce que le tronc se casse et la souche donnait souvent l’impression d’avoir été rongée par un castor. Même avec cette méthode, la partie coupante de la pierre s’émoussait et il fallait constamment lui redonner du tranchant. On le faisait avec un percuteur ou avec un os pointu frappé par un percuteur. Parce qu’il était un tailleur de silex habile, on demandait souvent à Jondalar de couper des arbres. Il savait manier une hache, il savait comment l’aiguiser.

Il venait d’abattre un deuxième arbre de même taille quand un groupe d’hommes le rejoignit : Joharran, accompagné de Solaban et de Rushemar ; Manvelar, le chef de la Troisième Caverne, et Morizan, le fils de sa compagne ; Kimeran, le chef de la Deuxième Caverne, et Jondecam, son neveu ; Willamar, le Maître du Troc, son apprenti Tivonan et son ami Palidar ; enfin Stevadal, le chef de la Vingt-Sixième Caverne, qui accueillait cette année la Réunion d’Été. Onze personnes venues pour faire un travois, douze avec Jondalar, pensa Ayla. Treize si elle se comptait aussi. Son premier travois, elle l’avait fabriqué seule.

Ils sont curieux, pensa-t-elle, c’est ce qui les a fait venir. La plupart d’entre eux connaissaient ces « perches à tirer » – comme elle les appelait – grâce auxquelles ses chevaux transportaient des objets lourds. On commençait par choisir deux arbres qui s’effilaient vers le sommet et dont on élaguait toutes les branches. Selon l’espèce, on enlevait parfois aussi l’écorce, surtout si elle se détachait aisément. Les extrémités étroites étaient reliées et attachées à un cheval au niveau du garrot par un harnais de cuir ou de corde. Les deux perches inclinées dépassaient un peu devant et beaucoup plus derrière, et seule l’extrémité de leur partie épaisse touchait le sol, ce qui limitait relativement les frottements et facilitait le transport de lourdes charges. Des traverses en bois, en cuir ou en corde – tout ce qui pouvait supporter un poids – reliaient les perches à l’arrière.

Jondalar expliqua à ceux qui étaient venus l’aider qu’il voulait construire un travois avec des traverses spéciales disposées d’une certaine manière. En peu de temps, ils abattirent d’autres arbres, émirent des suggestions et les essayèrent avant de trouver une solution qui leur parut adéquate. Ayla conclut qu’ils n’avaient pas besoin d’elle et décida de partir à la recherche de Zelandoni.

En marchant vers le camp principal avec Jonayla, elle songea aux adaptations apportées au travois et à celui que Jondalar et elle avaient fabriqué pendant le long voyage de retour au foyer de son compagnon. Parvenus un jour devant une large rivière qu’ils devaient traverser, ils avaient construit un bateau rond semblable à ceux des Mamutoï : une armature de bois courbée en forme de bol et recouverte à l’extérieur d’une peau d’aurochs bien graissée. C’était facile à faire mais difficile à manœuvrer sur l’eau. Jondalar lui avait décrit les bateaux que les Sharamudoï fabriquaient en évidant un tronc d’arbre, en l’effilant à l’avant et à l’arrière. Ces pirogues étaient plus difficiles à faire mais il était beaucoup plus facile de les diriger, avait-il expliqué.

La première fois qu’ils avaient traversé une large rivière, ils étaient montés dans le bateau rond, y avaient mis toutes leurs affaires et l’avaient fait avancer avec de courtes rames tandis que les chevaux nageaient derrière. Puis ils avaient remis leurs affaires dans des paniers et des sacs de selle et avait décidé de fabriquer un travois pour que Whinney puisse tirer le bateau. Plus tard, ils s’étaient rendu compte qu’ils pouvaient attacher l’embarcation entre les perches et laisser les chevaux traverser l’eau, Ayla et Jondalar sur leur dos ou nageant à côté d’eux. Le bateau rond était léger et maintenait leurs affaires au sec. Une fois sur l’autre rive, au lieu de le vider, ils avaient décidé d’y laisser leurs affaires. Si les perches et le bateau rendaient la traversée des larges rivières plus facile et ne posaient généralement pas de problème quand ils parcouraient des plaines, ils pouvaient les ralentir lorsqu’ils devaient passer par des régions boisées ou montagneuses exigeant des tournants brusques. Ils avaient failli plusieurs fois les abandonner mais ne l’avaient finalement fait qu’une fois beaucoup plus près du terme de leur voyage et pour une bien meilleure raison.

Comme Ayla l’avait prévenue de ce que Jondalar et elle préparaient, la Première était prête quand Ayla vint la chercher. Lorsqu’elles retournèrent au camp de la Neuvième Caverne, les hommes s’étaient rapprochés de l’enclos des chevaux et ne les remarquèrent pas. La Première se glissa dans la hutte de la famille de Jondalar avec le bébé endormi tandis qu’Ayla allait voir où en était le siège. Avec autant d’aide, il avait été rapidement fabriqué. C’était une sorte de banc profond, avec un dossier s’élevant entre les deux perches et un marchepied. Jondalar avait sorti Whinney de l’enclos et attachait les perches à la jument avec un harnais qui lui enserrait les épaules et passait devant son poitrail.

— Qu’est-ce que vous voulez faire avec ça ? demanda Morizan, encore assez jeune pour poser directement la question.

Il n’était pas considéré comme courtois d’être aussi abrupt mais c’était ce que tous les autres auraient voulu savoir. Si une telle franchise n’eût pas été correcte chez un Zelandonii adulte, elle témoignait simplement de la naïveté et de la simplicité du jeune homme. Une personne plus expérimentée aurait montré plus de subtilité. Ayla avait toutefois l’habitude de la candeur. Chez les Mamutoï, il était fréquent et tout à fait convenable d’être franc et direct, même s’ils avaient leurs propres façons d’être subtils. Les membres du Clan savaient en outre déchiffrer le langage corporel aussi bien que leur langue de signes et si cela les rendait incapables de mentir, ils saisissaient les nuances et savaient être extrêmement discrets.

— J’ai une idée précise sur son utilisation mais je ne suis pas encore sûre que ça marchera, dit Ayla. Je veux d’abord l’essayer et si ça ne marche pas, je trouverai toujours un autre moyen d’employer ces perches.

Bien qu’elle n’eût pas vraiment répondu à la question, les hommes furent satisfaits. Ils comprenaient qu’elle ne tînt pas à expliquer une expérimentation qui risquait d’échouer. Personne n’aime annoncer ses échecs. Ayla était en fait à peu près certaine que cela marcherait, mais elle ne savait pas si la Première accepterait de s’asseoir sur le siège.

Jondalar prit lentement le chemin du camp en sachant que les autres le suivraient. Ayla alla à l’enclos pour calmer les chevaux, perturbés par la présence d’un aussi grand nombre d’humains. Elle tapota et caressa Grise en songeant qu’elle était devenue une superbe pouliche. Elle parla à Rapide en le grattant derrière les oreilles. Les chevaux étaient des animaux sociaux qui aimaient la compagnie. Rapide était à un âge où, s’il avait vécu avec des chevaux sauvages, il aurait quitté sa mère pour galoper avec une troupe de jeunes mâles. Mais comme Grise et Whinney étaient ses seuls compagnons équins, il était devenu très proche de Grise, sa jeune sœur, envers laquelle il se montrait un peu protecteur.

Ayla ressortit de l’enclos et s’approcha de Whinney, qui attendait patiemment avec les perches derrière elle. Lorsque la femme lui entoura le cou, la jument posa sa tête sur l’épaule d’Ayla en un geste familier révélant les liens étroits qui les unissaient. Jondalar avait passé un collier à l’animal pour le conduire plus facilement et Ayla, qui d’habitude s’en passait, jugea préférable de s’en servir pendant qu’elle ferait essayer à Zelandoni son nouveau moyen de transport. Prenant la longe attachée au collier, elle se dirigea vers leur abri d’été. Le temps qu’elle y parvienne, les hommes étaient en route pour le camp principal et Jondalar était retourné à la hutte, où il bavardait avec la Première, Jonayla dans les bras.

— On essaie ? proposa-t-il.

— Tous les autres sont partis ? demanda la forte femme.

— Il n’y a plus personne dans le camp, affirma Ayla.

— Alors, autant y aller maintenant.

Ils sortirent, regardèrent autour d’eux pour s’assurer qu’ils étaient seuls et s’approchèrent de Whinney. Ils passaient derrière la jument quand Ayla dit tout à coup :

— Attendez.

Elle retourna dans la hutte, revint avec un coussin qu’elle posa sur le siège fait de plusieurs rondins attachés ensemble par une corde solide. Un dossier étroit, également en rondins et perpendiculaire au fond, maintint le coussin en place. Jondalar confia le bébé à Ayla et se tourna vers Zelandoni pour l’aider.

Mais lorsque la doniate monta sur le marchepied proche du sol, les longues perches souples fléchirent un peu et Whinney fit un pas en avant. La Première recula précipitamment.

— Le cheval a bougé ! s’écria-t-elle.

— Je vais le tenir, dit Ayla.

Elle alla se placer devant sa jument pour la rassurer, tenant la longe d’une main et le bébé au creux du bras gauche. L’animal renifla le ventre de Jonayla, ce qui fit glousser l’enfant et sourire la mère. Whinney et Jonayla se connaissaient bien. Celle-ci était souvent montée sur la jument dans les bras d’Ayla ou dans la couverture à porter. Jondalar l’avait aussi mise avec précaution sur le dos de Grise, en la tenant bien, pour que la pouliche et l’enfant s’habituent l’une à l’autre.

— Essayez de nouveau, dit Ayla.

Jondalar tendit le bras à la Première pour qu’elle puisse s’y appuyer et lui adressa un sourire encourageant. Zelandoni n’avait pas l’habitude qu’on l’encourage ou qu’on la presse de faire quelque chose. C’était elle qui d’ordinaire avait cette attitude envers les autres et elle scruta le visage de Jondalar pour y déceler une éventuelle condescendance. En fait, elle ne voulait pas reconnaître sa peur et se demandait pourquoi elle avait accepté de se lancer dans cette histoire.

Les perches se courbèrent de nouveau quand la Première fit porter son poids sur le marchepied de rondins, mais l’épaule de Jondalar lui servit de soutien et Ayla empêcha la jument de bouger. Zelandoni tendit la main vers le siège, s’assit sur le coussin avec un soupir de soulagement.

— Prête ? demanda Ayla.

— Prête ? répéta Jondalar, plus doucement.

— Autant que je le serai jamais, je suppose.

— Alors, allons-y, fit-il d’une voix plus forte.

— Doucement, Whinney, dit Ayla.

Elle avança, la longe à la main, et la jument partit au pas, tirant derrière elle les perches et la Première. La doniate s’agrippa au siège quand elle se sentit bouger mais, une fois partie, elle trouva que ce n’était pas si terrible, même si elle ne lâcha pas le siège. Ayla se retourna pour voir comment cela se passait et remarqua que Loup, assis sur son derrière, les observait. Où étais-tu passé ? pensa-t-elle. On ne t’a pas vu de la journée.

La progression ne se fit pas sans à-coups, il y avait des bosses et des ornières sur le chemin. Un moment, une des perches se prit dans un fossé creusé par le débordement d’un ruisseau et la passagère fut projetée sur la gauche mais le siège se redressa quand Ayla fit légèrement tourner Whinney. Ils retournèrent vers l’enclos.

C’est une étrange sensation d’avancer sans se servir de ses jambes, pensa la Première. Bien sûr, les jeunes enfants portés par leur mère y étaient habitués mais cela faisait longtemps qu’elle n’était plus assez petite pour être portée par qui que ce soit et être assise sur ce siège mouvant, ce n’était pas la même chose. D’abord, elle était tournée vers l’arrière et regardait non pas où elle allait mais où elle avait été.

Avant d’arriver à l’enclos, Ayla entama un large virage qui les ramena au camp de la Neuvième Caverne. Elle avisa une piste qui partait dans une autre direction que celle qu’ils prenaient généralement pour se rendre au camp principal. Ayla l’avait déjà remarquée et s’était demandé où elle menait mais n’avait jamais eu le temps de l’explorer. L’occasion semblait bonne. Elle se retourna, capta l’attention de Jondalar, lui indiqua la piste inconnue d’un geste discret. Il hocha la tête presque imperceptiblement en espérant que leur passagère ne s’apercevrait pas du changement de direction et ne s’y opposerait pas. La Première ne remarqua rien et ne fit donc aucune objection quand Ayla obliqua vers la piste. Loup, qui trottait derrière Jondalar et fermait la marche, passa devant lorsque Ayla s’engagea dans le sentier.

Ayla mit Jonayla dans la couverture à porter et l’installa sur son dos, où elle pourrait regarder autour d’elle sans peser constamment sur le bras de sa mère. Le sentier menait au cours d’eau que la Neuvième Caverne appelait la Rivière de l’Ouest et le longeait sur une courte distance. Au moment même où Ayla se demandait si elle ne devait pas faire demi-tour, elle remarqua devant elle des silhouettes familières. Elle arrêta la jument, rejoignit Jondalar et Zelandoni.

— Je crois que nous sommes à Vue du Soleil, dit-elle à la doniate. Tu veux leur rendre visite, et si oui, tu veux rester sur le siège ?

— Puisque nous y sommes, autant leur rendre visite. Je n’aurai peut-être pas l’occasion de revenir ici avant longtemps. Et je veux descendre. On n’est pas trop mal sur ce siège mouvant mais on est un peu secoué de temps en temps.

La Première se leva et, prenant appui sur Jondalar, posa le pied par terre.

— Tu penses que ce serait pratique pour aller voir les lieux sacrés que tu veux montrer à Ayla ? demanda Jondalar.

— Jondalar, Ayla, Zelandoni ! s’exclama Willamar en se dirigeant vers eux, accompagné de Stevadal, le chef de la Vingt-Sixième Caverne.

— C’est gentil de nous rendre visite, dit celui-ci. Je me demandais si la Première trouverait le temps de venir à Vue du Soleil.

— Une Réunion d’Été est toujours chargée pour la Zelandonia mais je m’efforce de faire au moins une visite de courtoisie à la Caverne qui l’accueille, répondit la doniate. Nous vous sommes reconnaissants de votre hospitalité.

— C’est un honneur, assura le chef de la Vingt-Sixième.

— Et un plaisir, ajouta la femme qui venait de le rejoindre.

Ayla était certaine que c’était sa compagne mais elle ne l’avait pas encore rencontrée et ne se souvenait pas de l’avoir vue au camp principal. Elle ne l’en examina que plus attentivement. Plus jeune que Stevadal, elle semblait fragile et sa tunique flottait sur son corps maigre. Ayla se demanda si elle avait été malade ou si elle avait subi une perte cruelle.

— Je suis heureux que vous soyez là, reprit Stevadal. Danella espérait voir la Première et faire la connaissance de la compagne de Jondalar. Elle n’a pas encore pu se rendre au camp principal.

— Si tu m’avais prévenue qu’elle était malade, je serais venue plus tôt, dit la Première.

— Notre Zelandoni était là pour la soigner, je n’ai pas voulu te déranger. Je sais combien tu es prise pendant les Réunions d’Été.

— Pas au point de ne pas m’occuper de ta compagne.

— Plus tard, peut-être, quand tu auras vu tout le monde, dit Danella à la doniate.

Elle se tourna vers Jondalar et ajouta :

— En revanche, j’aimerais faire la connaissance de ta compagne. On m’a tellement parlé d’elle.

— Tu vas être satisfaite, répondit-il en adressant un signe à Ayla.

Elle s’approcha les bras tendus, les paumes tournées vers le haut, dans le geste de franchise traditionnel, pour montrer qu’elle n’avait rien à cacher, et Jondalar commença :

— Danella, de la Vingt-Sixième Caverne des Zelandonii, compagne de Stevadal, l’Homme Qui Commande, puis-je te présenter Ayla, de la Neuvième Caverne des Zelandonii…

Il poursuivit jusqu’à « Protégée de l’Esprit de l’Ours des Cavernes ».

— Tu as oublié « amie des chevaux et du chasseur à quatre pattes qu’elle appelle Loup », fit remarquer Willamar avec un petit rire.

Il avait rejoint le chef et sa compagne avec le reste des hommes venus aider à la fabrication des perches et du siège. Vue du Soleil étant proche, il avait proposé d’y passer et on les avait conviés à boire une infusion.

La plupart des membres de la Vingt-Sixième Caverne se trouvaient au camp principal mais quelques-uns étaient restés, notamment la compagne du chef, qui était manifestement souffrante. Ayla se demandait depuis combien de temps et quel était son mal. Elle échangea un regard avec Zelandoni et sut que celle-ci se posait les mêmes questions.

— Mes noms et liens sont loin d’être aussi fascinants, mais au nom de Doni, la Grande Terre Mère, sois la bienvenue, Ayla de la Neuvième Caverne des Zelandonii, dit Danella.

— Je te salue, Danella de la Vingt-Sixième Caverne des Zelandonii, répondit Ayla tandis qu’elles se prenaient les mains.

— Ta façon de parler est aussi intrigante que tes noms et liens. Elle évoque des lieux lointains. Tu dois avoir des histoires extraordinaires à raconter et j’aimerais en entendre au moins quelques-unes.

Ayla ne put s’empêcher de sourire. Elle était consciente d’avoir un accent. La plupart des Zelandonii s’efforçaient de ne pas réagir quand ils le remarquaient mais Danella avait des manières si aimables et si ouvertes qu’Ayla éprouva immédiatement de la sympathie pour elle. Danella lui rappelait les Mamutoï.

Elle s’interrogea de nouveau sur la maladie ou l’événement à l’origine d’une fragilité physique qui contrastait si fortement avec la personnalité engageante de cette femme. Un coup d’œil à la Première lui confirma qu’elle aussi voulait en connaître la raison et qu’elle comptait la découvrir avant de quitter le camp.

Jonayla s’agitait dans le dos d’Ayla, probablement parce qu’elle voulait voir ce qui se passait et à qui parlait sa mère. Ayla fit tourner la couverture pour appuyer le bébé contre sa hanche.

— Ce doit être ta « Protégée de Doni », Jonayla, dit Danella.

— Oui.

— C’est un beau nom. Tiré de celui de Jondalar et du tien ?

Ayla acquiesça.

— Elle est aussi jolie que son nom.

Ayla, qui savait capter les nuances du langage corporel, détecta de la tristesse dans le fugace plissement du front et le froncement des sourcils. Soudain, la raison de la faiblesse et de l’affliction de Danella lui apparut. La compagne de Stevadal avait récemment fait une fausse couche ou avait eu un bébé mort-né. Après une grossesse pénible et un accouchement sans doute très difficile, elle n’avait rien reçu en échange. Elle se remettait de la tension subie par son corps et pleurait son enfant perdu. Ayla regarda la Première, qui examinait discrètement la jeune femme et avait probablement tiré les mêmes conclusions.

Sentant Loup lui presser la jambe, Ayla baissa les yeux. Il la regardait en gémissant pour lui faire savoir qu’il voulait quelque chose. Il tourna la tête vers Danella, regarda de nouveau Ayla et se remit à gémir. Sentait-il quelque chose de particulier chez cette femme ?

Les loups décelaient toujours la faiblesse des autres. Lorsqu’ils chassaient, c’était généralement aux plus faibles d’un troupeau qu’ils s’attaquaient. Mais Loup, encore tout jeune, avait noué des liens étroits avec le faible enfant « mêlé », mi-mamutoï mi-Clan, que Nezzie avait adopté et, par un phénomène d’empreinte, il considérait les Mamutoï comme sa meute. Les loups aimaient les petits de leur meute et la meute de Loup, c’était des êtres humains. Ayla savait qu’il était attiré par les bébés et les enfants, par ceux dont son instinct lui révélait la faiblesse, non pour les chasser mais pour les protéger, comme les autres loups le faisaient avec leurs petits.

Comme Danella semblait un peu effrayée, Ayla lui expliqua :

— Je crois que Loup veut faire ta connaissance. As-tu déjà touché un loup vivant ?

— Non, bien sûr. Je n’en ai jamais approché un d’aussi près. Pourquoi penses-tu qu’il veut faire ma connaissance ?

— Il est parfois attiré par certaines personnes. Il aime les bébés, par exemple. Jonayla monte sur lui, tire sur ses poils, lui met les doigts dans les yeux ou dans les oreilles et il se laisse toujours faire. Le jour où nous sommes arrivés à la Neuvième Caverne, il s’est conduit de cette façon en voyant la mère de Jondalar. Il voulait simplement faire sa connaissance.

Ayla se demanda soudain si Loup n’avait pas senti que Marthona avait le cœur malade.

— Veux-tu faire sa connaissance ? demanda-t-elle à la compagne du chef.

— Que dois-je faire ?

Autour d’eux, ceux qui connaissaient Loup et son comportement souriaient, d’autres étaient intéressés mais Stevadal semblait inquiet.

— Je ne sais pas si c’est raisonnable… commença-t-il.

— Il ne lui fera aucun mal, assura Jondalar.

Ayla tendit Jonayla à son compagnon puis amena Loup près de Danella, prit la main de la femme et entama la présentation.

— C’est par l’odeur que Loup reconnaît les gens et il sait que lorsque je le présente à quelqu’un de cette façon, c’est pour qu’ils deviennent amis.

L’animal flaira les doigts de Danella, les lécha. Elle sourit.

— Sa langue est douce.

— Sa fourrure aussi, par endroits, dit Ayla.

— Il est chaud ! s’exclama Danella en passant ses doigts dans les poils de Loup. Jamais je n’avais touché de fourrure sur un corps chaud. Et là, on sent quelque chose palpiter.

Ayla se tourna vers le chef de la Vingt-Sixième Caverne des Zelandonii.

— Veux-tu faire sa connaissance aussi, Stevadal ?

— Tu devrais, l’encouragea Danella.

Ayla procéda à la même présentation mais Loup paraissait impatient de retrouver Danella et il trottina près d’elle quand les visiteurs repartirent vers Vue du Soleil. Ils trouvèrent des endroits où s’asseoir – rondins, rochers recouverts d’un coussin – et sortirent leur bol du sac accroché à leur ceinture. Les quelques personnes qui n’étaient pas allées au camp principal, notamment les mères de Danella et de Stevadal, leur offrirent une tisane. Loup se coucha près de Danella mais regarda d’abord Ayla, comme pour demander sa permission, puis posa sa tête sur ses pattes allongées devant lui. Danella se surprit à le caresser de temps à autre.

Zelandoni avait pris place à côté d’Ayla qui, après avoir bu son infusion, donna le sein à Jonayla. Plusieurs personnes vinrent bavarder avec la Première et son acolyte mais, lorsqu’elles furent enfin seules, elles se mirent à parler de Danella à voix basse.

— Loup semble lui apporter un peu de réconfort, souligna la doniate.

— Elle en a grand besoin, répondit Ayla. Elle est encore très faible. Je crois qu’elle a fait un bébé avant la naissance ou qu’elle a accouché d’un enfant mort-né.

La Première parut impressionnée.

— Qu’est-ce qui te fait penser ça ?

— Sa maigreur, sa fragilité. J’ai aussi remarqué sa tristesse quand elle a regardé Jonayla. Elle a sûrement eu une grossesse difficile et elle a perdu l’enfant.

— Je pense comme toi. Nous devrions peut-être interroger sa mère. Il faudrait que j’examine Danella pour m’assurer qu’elle se remet bien. Il y a des médecines qui pourraient l’aider. Qu’est-ce que tu suggérerais ?

— La luzerne est bonne contre la fatigue et la douleur cuisante quand on se vide de son eau, répondit Ayla.

Elle marqua une pause et reprit :

— Il y a une plante aux baies rouges, dont je ne connais pas le nom, qui est souveraine pour les femmes. Elle pousse au ras du sol et ses feuilles restent vertes toute l’année. On peut en prendre contre les maux de ventre qui accompagnent les saignements lunaires, ou pour faciliter les naissances.

— Je la connais. Elle forme parfois un épais tapis qui recouvre le sol et les oiseaux aiment ses baies. Certains les appellent d’ailleurs « baies des oiseaux ». Une infusion de luzerne peut en effet aider à reprendre des forces, de même qu’une décoction de racines et d’écorce de sureau…

La Première sourit en voyant l’expression intriguée d’Ayla.

— C’est un arbrisseau aux baies violettes, avec des petites fleurs d’un blanc verdâtre. Je te le montrerai. Il peut aider si le sac qui contient le bébé dans le ventre d’une femme descend trop. C’est pour savoir quoi lui donner que je voudrais examiner Danella. Zelandoni de la Vingt-Sixième est un bon guérisseur pour les maladies en général mais il ne connaît peut-être pas aussi bien celles des femmes. Il faudra que je lui parle avant notre départ.

Après être restés le temps exigé par la courtoisie, les hommes venus aider Jondalar à fabriquer les perches et le siège se levèrent pour partir. La Première arrêta Joharran, qui était en compagnie de Jondalar.

— Peux-tu aller à la hutte de la Zelandonia pour voir si le doniate de la Vingt-Sixième s’y trouve ? demanda-t-elle à voix basse. La compagne de Stevadal a été très malade et j’aimerais savoir si nous pouvons l’aider. C’est un bon guérisseur et il a peut-être déjà fait tout ce qui était possible, mais j’aimerais lui parler. Je crois qu’il s’agit d’un problème de femme, et nous sommes des femmes…

Sans aller plus loin dans son explication, elle conclut :

— Demande-lui de venir ici, nous l’attendrons.

— Je reste avec vous ? demanda Jondalar aux deux femmes.

— Tu ne projetais pas de retourner au lieu d’entraînement ? fit Joharran.

— Si, mais je ne suis pas obligé.

— Vas-y, Jondalar, suggéra Ayla en pressant sa joue contre la sienne. Nous te rejoindrons plus tard.

Les deux femmes retournèrent auprès du groupe formé par Danella, les deux mères et quelques autres. Voyant que la Première et son acolyte ne partaient pas, Stevadal resta, lui aussi. La doniate connaissait l’art de soutirer des renseignements et elle découvrit bientôt que Danella avait été grosse et que le bébé était mort-né, comme Ayla et elle l’avaient deviné, mais elle sentit que les deux vieilles femmes ne disaient pas tout, peut-être à cause de la présence de Danella et de Stevadal. Il faudrait attendre le Zelandoni de la Vingt-Sixième Caverne. Les femmes se mirent à bavarder, à se passer Jonayla. Danella hésita d’abord à la prendre dans ses bras puis la garda un long moment. Loup restait à côté d’elle et de l’enfant.

Ayla défit les perches de Whinney et l’emmena brouter. Lorsqu’elle revint, on lui posa des questions hésitantes sur l’animal et la façon dont elle s’en était faite l’amie. La Première l’encouragea à répondre. Ayla devenait une bonne conteuse qui captivait son auditoire, ce qu’elle fit encore cette fois, surtout quand elle ajouta à son récit les effets sonores de hennissements et de rugissements. Au moment où elle terminait, le Zelandoni de la Vingt-Sixième Caverne apparut.

— J’ai cru entendre un cri de lion familier, dit-il dans un grand sourire.

— Ayla nous a expliqué comment elle a adopté Whinney, répondit Danella. Je savais bien qu’elle avait des histoires extraordinaires à raconter. Et maintenant que j’en ai entendu une, j’en veux d’autres.

Bien qu’elle ne voulût pas le montrer, la doniate était pressée de partir. Pour la Première, une visite au chef de la Caverne qui accueillait la Réunion d’Été était tout à fait indiquée, mais elle avait des choses à régler. Les Rites des Premiers Plaisirs auraient lieu le surlendemain, puis suivraient les premières Matrimoniales de la saison. Il y aurait une autre cérémonie d’union vers la fin de l’été pour ceux qui souhaitaient concrétiser leur décision avant le retour, mais la première était invariablement la plus importante et réunissait le plus de monde. Il y avait encore de nombreux plans à établir.

Pendant que les hôtes s’affairaient pour préparer une autre tisane – les visiteurs avaient tout bu –, la Première et son acolyte parvinrent à prendre le Zelandoni de la Vingt-Sixième à part.

— Nous avons appris que Danella a accouché d’un enfant mort-né, murmura la Première, mais il a dû se passer autre chose, j’en suis persuadée.

L’homme fronça les sourcils et poussa un long soupir.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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